La photographie peut n’être que l’art de saisir un assemblage de couleurs, et s’affirmer comme une sorte de tableau, selon la célèbre définition de Maurice Denis : « essentiellement une surface plane, recouverte de couleurs, en un certain ordre assemblées. »
Comme la peinture occidentale, qui depuis Van Eyck et la diffusion de la peinture à l’huile, s’est ingéniée à recréer l’illusion de toutes les sortes de matières, du velouté d’une fourrure à la transparence du cristal, la photo est bien aussi une affaire de matières, lorsque la lumière modèle les formes, et surtout parce que c’est d’abord une impression sur papier, avec un choix de textures sans cesse plus large. D’abord, un objet en soi, mais sans rien perdre de ce que qui fait l’essence du sujet, couleurs et formes.
La célébration de la couleur, de la matière que pose le pinceau ou la brosse, aussi bien que la dynamique des formes, ont conduit les peintres à s’éloigner de plus en plus d’un effet de réalité. Ce chemin a commencé à Pont-Aven, avec Gauguin et les Nabis, Maurice Denis ou Paul Sérusier, dont un tableau de couleurs saturées « en un certain ordre assemblées » est apparu comme l’emblème de toute une école et a reçu ce nom : « Le Talisman », visible au musée d’Orsay.
J’ai compris en logeant l’Aven pourquoi son vallon a tant inspiré les peintres, tant ses couleurs et les mouvements de ses eaux sont variés. En veillant à ce qu’aucun détail ne permette de se situer dans un cadre illusionniste, sans jamais m’éloigner de la réalité mais en faisant tout pour dissuader le spectateur de se référer à un endroit précis, j’ai travaillé les couleurs et ciselé les formes pour créer ce qui est mon « Talisman » personnel. Dans des mouvements dynamiques et si possible, contradictoires, rien que des formes et des couleurs.















